(les mots en gras sont imposés)
A Hyacinthe Rigaud,
Monsieur,
Je souhaite marier mon fils Louis prochainement. Or, les parents de la jeune fille, demeurant loin de chez nous, demandent un portrait afin de mieux connaître celui qui entrera prochainement dans leur famille.
Sachez que mon fils est un enfant difficile, plein de haine. A ma grande honte, il trouble la paix dans notre foyer, sans que je ne puisse y changer quoi que ce soit. Après tant d’années de casse et peine, il n’est que justice que nous retrouvions, sa mère et moi, un peu de sérénité !
Malgré l’évident pessimisme de ce descriptif, je souhaiterais que, grâce à votre art, vous transformiez ce démon machiavélique en un ange lumineux. Et peut-être, qui sait, mon enfant pourrait profiter de sa nouvelle vie pour se ressaisir et oublier sa colère.
Si cet arrangement fonctionne, ce serait une résurrection pour nous et peut-être même pour lui.
Nous mettons tous nos espoirs dans votre talent.
Dans l’attente de vous rencontrer, recevez, M. Rigaud, l’expression de ma considération.
Claude, duc de Saint-Simon
à M. le duc de Saint-Simon,
Monsieur,
J’ai bien reçu votre demande et je comprends l’importance de la mission que vous me confiez. Soyez rassuré, mon art me permettra de souligner la fraîcheur du visage de votre fils. En effet, j’ai déjà représenté de nombreux enfants et je vous assure que leurs parents ont toujours apprécié mon travail.
Par contre, pour garder une certaine honnêteté et pour séduire votre fils lui-même, je vous propose de le peindre en armure. Ainsi, son côté belliqueux sera représenté mais en soulignant un côté valeureux sinon héroïque, à la manière des chevaliers du moyen âge.
Vous assurant de mon dévouement, veuillez, M. le duc, accepter mes salutations.
Hyacinthe Rigaud, peintre
A mon père, Duc de Saint-Simon,
Monsieur,
Vingt ans ont passé depuis mon départ. J’ai été très heureux avec ma femme, Esther, à laquelle vous avez jugé bon d’unir ma vie. Aujourd’hui, ma pauvre amie n’est plus et je sens que la colère et la haine reprennent le dessus dans mon esprit. Rassurez-vous, je ne vais pas vous faire subir à nouveau mon caractère ombrageux mais je vous informe que je suis, maintenant, installé à la cour du Roi, à Versailles.
Dans ce lieu de perdition, j’ai trouvé le spectacle d’une affligeante comédie humaine composée pour une grande part de ruses et d’intrigues. Je me suis donné pour mission de relater la profondeur du mal qui y réside. Ainsi, je bâtis une œuvre historique dépeignant cruellement mes contemporains afin d’informer les générations futures.
Voilà donc un trait de caractère bien employé. N’est-il point ?
Votre fils dévoué, Louis
18 janvier 2020