Jeu d’écriture – Dimanche 4 mars 2012 – à partir de 7 mots : bar, ventilateur, chaise, masques, rose, marcher, affiches
Ce soir, la chaleur étouffante est toujours présente.
Après une journée caniculaire, chacun avait espéré l’arrivée de la nuit pour respirer.
Mais ce soir, la chaleur étouffante est toujours présente.
Désiré sait qu’il ne faut pas compter sur le ventilateur. Celui-ci ne tourne plus depuis longtemps, moteur grippé.
Dans le bar, les clients sont rares. Cherchant la proximité plus clémente de la mer, les vacanciers déambulent lentement sur la plage, par groupe. Les enfants s’égaillent tout autour, marchant alternativement dans l’eau ou sur le sable.
Désiré observe ces gens qui vivent, pense-t-il, une vraie vie. Ils sont ensemble, ont des choses à se dire, et une direction à suivre.
Lui, Désiré, ne désire plus rien. Comme son ventilateur, énergie grippée. Personne, plus de projet, pas d’avenir. Désiré, le mal nommé, n’intéresse personne.
Il y a quelques temps encore, il s’informait grâce aux affiches placardées sur le mur de son bar : tournoi de boxe, expositions de tableaux, publicités pour boîtes de nuit, match de foot, festivals de toutes sortes. Il se préoccupait des résultats, de l’impact sur les clients, de manière à entretenir la conversation avec ceux qui lui faisait l’honneur de leurs présences.
Peu à peu, l’intérêt était tombé et une part de sa souffrance venait du fait que cela ne changeait rien pour les clients du bar…Avec lui ou sans lui…Aucune différence. Alors il laissa tomber le masque ou plutôt les masques : bienveillance, intérêt, attention feints. Le fossé entre les autres et lui se creusait inexorablement.
Ce soir, assis sur une chaise près du bar, il attend …et l’Idée germe dans son esprit ! L’Idée !
Elle lui redonne de l’énergie pour cette fin de soirée étouffante. Il s’approche de ses clients, débarrasse les tables, offre un mot par ci, une plaisanterie par là.
A ce moment, des éclairs zèbrent le ciel. Les promeneurs et les clients commencent à s’éloigner dans toutes les directions. Puis Désiré se retrouve seul. Il balaie le sol, range chaque meuble, chaque objet. Termine.
Alors, il va fouiller sur une étagère de la salle de bains dans son appartement au-dessus du bar et les trouve. Il savait qu’elles étaient encore là. Il les fourre dans sa poche et se dirige vers la mer.
Des gouttes de pluie commencent à tomber. Le rafraîchissement tant attendu se fait enfin ressentir. Désiré connait le chemin. Cette petite crique cachée avait été le théâtre de moments heureux liés à sa rencontre avec Bella et à leurs premières amours.
Quand il arrive sur les lieux, la pluie tombe à verse mais rien n’arrêtera plus Désiré. Il se glisse sous le gros rocher, avale tout le contenu de la boîte de pilules roses et attend.
Peu à peu, la douleur fait place à une légèreté inconnue jusqu’alors. Ses pensées voguent lentement comme quand on s’endort. Il part. Plus de problème de ventilateur à réparer, de chaises à ranger, de bar à achalander, d’affiches à poser, de masques derrière lesquels se cacher. Seulement marcher vers le rose, le blanc, le translucide, le rien …et aimer sa solitude.
|
Journal du lundi 14 juillet 2014 Le corps d’un homme d’une cinquantaine d’années a été retrouvé sous un rocher de la Crique de la Tranquillité. Une enquête est en cours. |