Mi la do si sol mi si la
Kabalevski, c’est moderne. Ça me rappelle l’audition, la seule à laquelle j’ai participé en classe de piano. Une horrible classe de piano avec une horrible professeur qui a détruit en moi le plaisir de la musique et l’a remplacé par de l’angoisse.
La si do ré mi mi fa mi
C’était un petit garçon qui jouait Kabalevski. Il semblait sûr de lui. Est-ce qu’elle le harcelait lui aussi avec des propos destructeurs ? Peut-être pas ou pas encore.
Je change pour le prélude de Bach. Je joue la main droite et la main gauche alternativement.
Parfois, ça coule tout seul. Mais si j’accroche, je peux me dire que ce n’est pas grave. Elle, elle ne voulait aucune hésitation. C’était seulement ma deuxième année de piano. Je ne savais pas comment faire pour enchaîner. L’entraînement ne suffisait pas. J’ai essayé de l’apprendre par cœur, mais je n’y arrivais pas. Et avoir toujours peur, peur, peur !!!
Sol si ré si sol si ré mi do la fa# sol
J’arrive à la fin. Je peux essayer avec des accords, c’est une proposition de la méthode. Elle me faisait rarement travailler un extrait, il fallait y arriver tout de suite. Ça ne sert à rien d’avoir un cours de piano si tout le travail doit être fait et réussi à la maison. Quand je sors du cours, je pleure en constatant une fois de plus ma nullité, ce qui n’aide pas mes progrès. Mais elle s’acharne !
Fa la si do ré do fa si mi ré ré do
Ah, le concerto Italien, c’était la dernière année. J’étais heureuse de jouer une œuvre du répertoire. J’avais acheté le disque que l’on m’avait fait écouter à la boutique dans une cabine sonorisée. Mais bien sûr, ça ne pouvait pas être juste agréable (tu apprendras dans la souffrance), il fallait encore réaliser des prouesses qui n’étaient pas à ma portée. Et comment s’entraîner sereinement quand on sait ce qui va se passer au prochain cours ? J’entendais d’avance les reproches.
Elle ferme la partition de Bach et choisit une chanson : « L’aigle noir » par exemple.
La sol fa la si do do sol sol
Je me suis réconciliée avec la musique grâce à la chorale de l’école. Le mercredi matin, toutes les classes se retrouvaient dans la petite salle de sport et nous chantions des chansons harmonisées à une ou deux voix ou alors des canons. Certaines étaient tendres et poétiques, d’autres étaient drôles. Je les travaillais sur mon piano et quand je les avais en tête, elles ne me quittaient plus. Je chantonnais dans les escaliers et dans les couloirs. Quand la séance de chant se terminait, tout le monde regagnait sa classe en fredonnant. J’adorais !
Elle a essayé, au début de la retraite de recommencer à apprendre et à pratiquer la musique. Mais c’était toujours une source d’angoisse. Après des abandons successifs, elle a décidé de racheter un piano et elle a sorti les partitions qui lui restent.
Pas de pression, je verrai bien. Je sais faire des choses alors autant utiliser ces capacités pour mon plaisir.
14 février 2020