l’inventaire des saisons

Le printemps nous conduit chaque année des pluies de mars aux beaux jours de juin.

Dans mon souvenir, les jours de pluie de mon enfance sont liés à la cape de toile plastifiée que l’on enfilait par dessus nos vêtements. La mienne était noire et blanche puis ma mère l’avait rallongée en gris pour suivre ma croissance. Enfin, quand nous avions dépassé « avril, ne te découvre pas d’un fil », nous commencions à mettre des vêtements plus légers : jupe et chaussettes, petit pull à manches courtes et gilet. Quand les beaux jours étaient installés, ma mère commençait le grand ménage de printemps : intérieur des placards, rideaux, carreaux, grenier…La maison sentait bon le propre.

Aujourd’hui, j’aime préparer mon jardin, semer des graines, planter des boutures. Durant les promenades, les haies sentent bon le chèvrefeuille ou la glycine. Le matin, de bonne heure, les oiseaux chantent joyeusement dans les arbres en fleurs. Cette année, sur un chemin, j’ai trouvé des gousses gonflées, remplies de graines. Je me suis amusée à les faire exploser, en appréciant le toucher et le son.

Puis l’été arrive.

Avec les vacances d’été, nous, les enfants, retrouvions notre liberté. Dans le quartier où j’habitais, nous nous rassemblions avec nos amis chez les uns ou les autres, pour jouer. Je portais des sandales en plastique et un short. Chaque matin, quand une nouvelle journée de jeux commençait, je ressentais un véritable bonheur. Mes parents sortaient la caravane du garage pour que nous ayons de la place pour jouer. Je descendais du grenier toutes mes poupées, la dînette, les vêtements, qui avaient été stockés tout l’hiver. Dans l’allée du garage, nous tracions des routes avec mon frère pour les petites voitures. Nous inventions des départs en vacances, des terrains de camping.

Puis nous partions réellement en camping où nous nous faisions de nouveaux amis. Nous profitions de la mer et du sable pendant des heures. Nous ramassions coquillages et crustacés que ma mère nous préparait pour le repas.

Plus tard, nous passions l’été dans notre maison de vacances. Le jardin nous donnait des kilos de haricots verts qu’il fallait équeuter et mettre en bocaux. Mes amis me rejoignaient et nous faisions de longues randonnées en vélo, à nous l’aventure ! Ma chambre donnait sur la rue et le matin de bonne heure j’entendais les cris des oiseaux résonner entre les murs.

Puis je suis devenue institutrice et pendant des années, j’ai profité des congés d’été pour prendre du recul sur ma pratique professionnelle, lire et inventer de nouveaux procédés. Tant de possibilités s’ouvraient à moi ! Cela me permettait de trouver l’énergie pour repartir pour une nouvelle année.

Mes enfants jouaient ensemble ou avec leurs amis. En famille, nous organisions de belles excursions, des baignades dans les lacs, des visites.

Aujourd’hui, j’aime toujours découvrir de nouveaux sites, admirer les paysages, me régaler de glaces, profiter de l’eau et retrouver ma famille.

Avec l’automne, arrivait la rentrée des classes. Je portais une nouvelle blouse, je découvrais une nouvelle classe et retrouvais mes amies.

Quelques automnes particuliers ont ponctué ma vie. Tout d’abord, l’année où j’ai pris mon premier poste dans la campagne. C’était une classe unique qui regroupait une poignée d’élèves de tous les niveaux. La salle était chauffée au feu de bois. Pour arriver jusqu’à l’école, il fallait rouler sur une route de montagne, au milieu de la forêt, parée de belles teintes. Avec mes élèves, nous chantions « Colchiques dans les prés ».

Dans l’école où j’ai travaillé plus tard se trouvait un marronnier. Les enfants couraient de l’entrée jusqu’à l’arbre pour remplir leurs poches et leurs cartables de marrons.

Les débuts de ma première grossesse se sont trouvés en automne et pendant des années, j’ai associé mon ressenti un peu particulier et la saison.

Enfin, je me suis séparée de mon mari durant cette période et j’ai vécu quelques mois dans un gîte en montagne où je goûtais la liberté au milieu de la nature.

L’hiver est lié à l’odeur du mazout qui servait de carburant à notre chaudière. Nous laissions nos chaussures dans la chaufferie et nous les retrouvions toujours sèches et chaudes. Je me souviens des soirées où nous restions tous les quatre, mes parents, mon frère et moi dans la cuisine. La porte était ouverte et dans le couloir, il faisait noir. Je me sentais en sécurité avec ma famille.

Il fait toujours bon dans une maison quand on est chauffé avec un feu de bois. Cela a été le cas dans notre maison de campagne, dans le logement de fonction à mes débuts et dans la maison où j’ai vécu avec mon mari et mes enfants. Aujourd’hui, ce feu vivant me manque.

Un de mes fils est né pendant un hiver très rigoureux. Mon mari allait travailler en ski et je ne pouvais pas sortir mes enfants qui étaient tout petits car les températures étaient très basses; ou alors, il fallait attendre un peu de soleil en début d’après-midi pour les encapuchonner et faire quelques pas sur la route gelée.

Avec mes enfants, nous pouvions skier autour de chez nous ou nous partions en vacances dans les Alpes. Après de longues journées en plein air, nous nous retrouvions dans la chaleur d’un petit appartement au milieu de la station. Il était délicieux de se sentir fatigués mais heureux d’être ensemble, sans contraintes.

Quand on se promène dans la campagne en hiver, le paysage semble figé et le silence nous entoure. J’aime ce sentiment de paix. Surtout quand on sait qu’on va retrouver une maison chaleureuse, des personnes qu’on aime et la bonne odeur des crêpes ou du chocolat.

16 octobre 2017