Je suis née sur un champ de ruines

Je suis née sur un champ de ruines.

La mère de ma mère est décédée à sa naissance. Elle était son sixième enfant et le quatrième vivant. Ma mère a toujours vécu en orphelinat sans jamais connaître la chaleur d’une famille avant ses quinze ans. A ce moment-là, elle est venue vivre avec son père. Ils s’habituaient doucement l’un à l’autre quand, six mois plus tard, son père a été tué par un automobiliste alors qu’il sortait de l’usine en vélo. Ma mère est allée vivre chez son frère qui était marié et avait deux filles. Mais sa belle-sœur ne l’a pas supportée et elle a dû partir. Quand elle a rencontré mon père, elle travaillait dans une riche famille de commerçants où elle s’occupait des trois enfants. Elle y était très heureuse et aimait son travail.

Mon père a vécu une petite enfance heureuse avec ses parents et sa petite sœur. Mais la petite fille est décédée alors qu’elle n’avait que quatre ans. Les parents ne se remettaient pas de cette perte alors ils ont choisi d’avoir un autre enfant. Ils ont eu une fille tout d’abord puis un garçon. Entre temps, la guerre est arrivée. Le père a été mobilisé en 39 puis démobilisé en 40. Mais il est revenu avec la tuberculose. Il a transmis la maladie à sa femme qui est décédée rapidement puis a succombé lui-même. On ne savait pas soigner la tuberculose à cette époque. A quatorze ans, mon père était orphelin. Ma tante et mon oncle étaient encore très petits. La même année, mon grand-oncle qui sera le tuteur des enfants perdra tragiquement sa femme et son bébé de 3 mois. Après avoir vécu quelques années dans une famille d’accueil et avoir étudié et pratiqué la mécanique, mon père s’est engagé dans l’armée et il est parti deux ans en Indochine. C’est à son retour qu’il rencontrera ma mère.

Enfin, la vie leur souriait. Ils se sont rencontrés, ils se sont aimés, ils se sont mariés, ils se sont installés. Puis mon frère est arrivé. Une nouvelle famille était constituée.

Alors, je suis née.

Dans mon enfance, je n’avais pas un très bon sommeil. Je faisais des cauchemars récurrents et je souffrais de terreurs nocturnes. J’appelais ma mère pour qu’elle me rassure. Je lui disais : « j’ai peur, il y a des fantômes dans le grenier ! »

26 avril 2018