J’ai commencé à écrire à la maternelle. A chaque séance d’écriture, la maîtresse distribuait des crayons de papier. Ils étaient bien taillés et rangés dans un pot en verre, la mine vers le haut. J’adorais le moment où je recevais mon crayon. Je le passais sous mon nez, il sentait bon le bois ! Je me rappelle avoir tracé la pluie qui tombe sur un parapluie tamponné sur ma feuille ou une grappe de raisin avec des cercles bien alignés par 2 puis 3 et 4. Ces dessins ne ressemblaient à rien de réel mais nous les tracions avec application.
Pendant mes deux années de maternelle, j’écrivais de la main gauche, en script, au crayon de papier. Quand je suis entrée à la « grande école », les choses ont changé radicalement : il fallait écrire en cursive, au porte-plume, de la main droite. L’utilisation de la main droite a été très difficile. Il m’a fallu deux années pour que l’écriture ne me demande plus trop d’efforts.
J’aimais quand la maîtresse remplissait notre encrier avec une bouteille équipée d’un bec verseur. L’encre sentait bon et le liquide me semblait magique. Mais attention aux doigts tâchés !
J’ai écrit à l’encre jusqu’au CM1 et en CM2, nous sommes passées au stylo. Les encriers étaient donc vides. Or, un jour ils ont été remplis pour les épreuves du Certificat d’Étude qui devaient avoir lieu le lendemain. J’avais l’habitude cette année-là de mettre machinalement mes doigts dans l’encrier. Ce qui devait arriver arriva, je plongeai mes doigts dans l’encre, me salissant jusqu’à la manche de ma blouse.
Il ne faut pas oublier l’outil indispensable à l’écrivain en herbe : le buvard. Il était mis à rude épreuve, tâché, usé, déchiré. Parfois, la maîtresse nous en distribuait un neuf. J’en étais tellement heureuse que j’aurais aimé le garder immaculé ! Mission impossible !
Nous aimions toutes aller au tableau pour écrire, effacer, laver. Quand nous n’étions pas choisies par la maîtresse, nous nous disions tout bas : « C’est toujours les mêmes ! ». Ce qui était faux. Quand j’écrivais au tableau puis retournais à ma place, je pensais que la régularité de mon écriture ne vaudrait jamais celle de la maîtresse.
Quand je suis devenue maîtresse à mon tour, j’adorais écrire au tableau, c’était pour moi un geste facile. Je laissais aussi la craie aux enfants en espérant qu’en plus d’apprendre, ils auraient à leur tour du plaisir dans le geste.
Aujourd’hui, j’aligne des pots de crayons sur mon bureau : crayons de papier, stylos, crayons de couleur, feutres. J’ai même un porte-plume et de l’encre ! Et comme je vais bien, j’ai enfin trouvé une facilité à écrire sur une feuille ou un cahier que je n’avais jamais vraiment eu au cours de ma vie. Quel bonheur !