Jeu d’écriture à partir d’un incipit imposé et d’un texte de Platon à intégrer (parties en italiques)
Dimanche 1er avril 2012
Secouant sa charge de gravats, la carriole cahotait le long de la route agricole. La vieille Om Hassan se tenait assise auprès du conducteur.
-Je te dépose et je m’en vais tout de suite grommela celui-ci.
-C’est comme tu voudras.
La carriole s’arrêta avec fracas et Om en descendit. Quand le conducteur, après l’avoir saluée, reprit la route, elle se retrouva seule.
Elle regarda autour d’elle. Le lieu semblait désert. Elle détailla le bâtiment qui se trouvait devant elle. C’était un mas avec son toit peu pentu et ses tuiles en demi-cercle. La terrasse était toujours en place, envahie par des herbes folles peu gourmande en terre fertile. Elle entendait les cigales et un vent léger adoucissait l’atmosphère.
Om entra dans la maison. Plus personne n’y vivait, le village avait été déserté. Entrant dans la grande salle, un mal être lui empoigna le cœur. C’est là qu’elle avait vu son père pour la dernière fois avant qu’on ne l’emmène vers un lieu mystérieux dont il n’était jamais revenu. A cette époque, sa mère avait déjà disparu. Comme ça ! Volatilisée ! Il est vrai que la montagne était vaste et dangereuse. Que lui était-il arrivé ?
Tout à coup, elle entendit des appels. C’était une voix d’homme :
-Om, tu es là, c’est Yaël. Te souviens-tu de moi ?
Om sortit sur le perron et revint à la réalité. Yaël n’était qu’un tout jeune enfant quand ils étaient partis. Elle s’avança jusqu’à lui et lui tendit la main :
-Je pensais que ce village était vide, que fais-tu encore là ? Comment as-tu su que j’étais revenue ?
L’homme ne répondit pas mais annonça :
-Je sais pourquoi tu es là et je peux t’aider.
Om s’étonna :
-Tu étais pourtant si petit ! Et où vis-tu en ce moment, pas dans ce village ?
-Non, je suis dans la vallée. Joseph m’a dit qu’il t’avait déposée ici.
Ils s’installèrent tous les deux sur la marche du perron. Om ne comprenait pas comment il pouvait l’aider.
-Ecoute, toi tu penseras que c’est une fable mais selon moi c’est un récit. Je te dirai comme une vérité ce que je vais te dire.
La vieille femme était attentive.
-Tes parents étaient des Justes, même si personne ne l’a encore reconnu. Ta mère connaissait la montagne, elle ne s’y serait pas perdue. Et ton père ne méritait pas son châtiment.
Om se sentit soulagée par ce discours, mais comment cet homme pouvait-il détenir des informations qu’elle ne connaissait pas. Yaël reprit :
-Quand vous êtes arrivée d’Algérie toi et tes parents, vous n’avez pas été bien accueillis dans le village. Tu étais très belle mais cela aussi ils te le reprochaient. Personne ne vous parlait. Pourtant, quand des réseaux de résistants ont commencé à être actifs, tes parents ont tout de suite proposé leur aide. Ils transmettaient des messages, cachaient et nourrissaient des résistants. Ils ne t’en ont pas parlé pour ta sécurité. Mais aveuglé par la haine, quelqu’un du village les a dénoncés. Tu connais la suite. Ils ont été éliminés tous les deux.
Maintenant, Om pleurait silencieusement mais le passé s’éclairait. Elle savait qu’elle pouvait être fière de ses parents. Elle demanda encore :
-Comment sais-tu tout cela ?
Yaël expliqua :
-C’est mon grand-père, c’est lui qui les a dénoncés. Le remord l’a ensuite poursuivi et quelques jours avant sa mort, il m’a tout avoué. Depuis, je porte cette histoire et je voudrais que cet aveu ne soit pas inutile.
-Pourquoi le village est-il désert et dans cet état de délabrement ? interrogea Om. Que sont devenues toutes ces familles ?
-Ceci ressemble à une fable. Une terrible épidémie s’est ensuite développée. Après de nombreuses morts, les survivants ont fui ce lieu maudit. Peu à peu la nature a repris ses droits, les maisons sont tombées en ruine et l’oubli a fait son œuvre.
Om prit les mains de Yaël et les serra dans les siennes. La salissure n’était plus. Tout était lavé, blanc, net…