A Malmö

Et j’arrive à Malmö en paquebot.

Je descends sur le port. C’est un très grand port qui prend en charge des milliers de containers mais également des voyageurs.

Des grues assurent le chargement et le déchargement. Les hommes s’interpellent. Je me sens noyée dans la foule et le vacarme.

Je décide de prendre un bus qui me conduira en centre-ville. Ce bus est un havre de paix dans lequel s’apaisent toutes les tensions de mon arrivée. La température est agréable et une douce musique est diffusée par un haut-parleur. Les quelques personnes qui m’entourent sont avenantes. Une jeune femme m’interpelle :

– -Est-ce la première fois que vous venez à Malmö ?

Et comme je lui réponds par l’affirmative, elle m’indique l’adresse d’une sorte d’Office du Tourisme, situé dans le centre-ville.

Je suis ses indications et je me retrouve devant une magnifique maison traditionnelle avec des pans de bois et une toiture en ardoises. J’entre et je vois alors un panneau lumineux sur lequel défile un slogan :

« A Malmö, tout est beau ».

Ici aussi s’égraine une douce mélodie. Un jeune homme me propose ses services :

-Vous pouvez découvrir Malmö avec notre audiophone. Voulez-vous essayer ?

Je lui laisse ma carte d’identité et je pars avec l’appareil.

Je découvre tout d’abord les habitations. Elles sont toutes construites sur le même modèle : la même façade, la même hauteur, le même jardin. L’audiophone m’explique que les habitants ont fait le choix de l’égalité.

Après avoir suivi un itinéraire un peu monotone, j’arrive devant un château néoclassique. On m’informe que cet édifice est récent et qu’il répond aux besoins culturels de la population. L’intérieur est une longue série de salles de cinéma, de concerts et d’expositions. J’apprends que tous les spectacles sont diffusés par des écrans. Aucun n’est vivant, ni même les objets exposés. Je commence à ressentir une sorte de manque mais j’ai du mal à analyser ce qui se passe.

En sortant du château, je longe une rivière paisible. Des parcs sont aménagés tout au long. Des arbres sont alignés sans surprise. Ici tout est silencieux. Pas de mélodie sirupeuse mais pas non plus de chants d’oiseaux ou de cris d’enfants. Le silence me met mal à l’aise.

Je parviens sous une halle où est installé un marché. Là, je me demande si je ne nage pas en plein rêve. Les étalages se ressemblent tous. Ils proposent des pains carrées, des pavés de viande ou de poissons rectangulaires, une seule sorte de légume bien calibré : une racine, à mi-chemin entre la carotte et la pomme de terre. Il semble que je sois plutôt en plein cauchemar !

Mais, en prenant le temps de parcourir ce lieu, je découvre derrière une arcade, un étalage de pommes. Il est étroit et contient peu de fruits mais, chose étonnante, ceux-ci sont de tailles et de couleurs différentes. Je suis étonnée qu’un peu de variété soit entrée dans ce lieu. Je m’approche et je vois une jeune femme avec une robe fleurie et de longs cheveux blonds.

C’est alors que je comprends ce qui me manque dans ce lieu. C’est l’authenticité ! J’aborde la jeune vendeuse :

-Je suis étonnée de vous trouver là. Vous êtes tellement différente de tout ce que j’ai vu jusque-là dans cette ville.

A ce moment-là, elle me raconte comment les habitants de cette ville ont créé l’uniformité et le confort, comment ils ont éloigné le hasard, la diversité, et les risques dans le but d’atteindre la sérénité. Elle et quelques amis, font de la résistance car ils ont compris que :

-A Malmö, tout est faux !

9 février 2018